Nous quittons l’ile de El Hierro dans
l’archipel des Canaries avec comme destination Dakar, capitale du Sénégal. Cinq
jours de navigation, bonne météo et mer belle, après avoir vécu une semaine
agitée au port. Nous avons été récompensé de notre patience.
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Départ des Canaries, Thaïs à la barre |
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Des dauphins nous accompagnent sous l'étrave |
Destination Dakar, le plus gros
port de l’Afrique de l’ouest. Le Sénégal n’attire plus autant qu’il y a 10 ou
20 ans. Les voiliers préfèrent traverser directement des Canaries jusqu’aux Antilles, avec éventuellement un stop au Cap Vert. L’insécurité et
l’instabilité géopolitique de la zone (le Mali n’est pas loin). Des conditions
sanitaires apparemment précaires. Des démarches administratives plus
contraignantes. Peut-être enfin l’attrait culturel et la découverte de
l’Afrique de l’ouest ne sont plus au programme. Le nombre de bateaux et même de touristes a
été divisé par 5 ou 10 en une génération.
Nous posons l’ancre dans la baie
de Hann, devant le CVD, Cercle Voile de Dakar. Nous y avions déjà posé l’ancre
quinze ans auparavant, lors de notre premier tour de l’Atlantique, sur notre
Sun-Fizz. Ce yacht club est presque la
seule porte d’entrée du Sénégal pour y faire les démarches administratives, avant d’aller
découvrir les fleuves qui sillonnent le pays. Géré à l’époque par des marins pour
des marins, on y trouvait une communauté de globe-flotteurs, avec des ateliers
pour les réparations de voiles, de mécanique et autres bricolages ou services. Des
sanitaires avec douche solaire chaude, un bar restaurant, et tout autour un
jardin fleuri où l’on aimait se poser autour d’un verre, rencontrant et
échangeant avec d’autres équipages. Certains avaient posé l’ancre
définitivement au Sénégal, d’autres n’étaient qu’en escale d’un long voyage. C’était
un petit havre de paix après une journée à bricoler ou à sillonner les rues
bruyantes et animées de Dakar. Aujourd’hui, il n’y a plus grand monde, à
peine une dizaine de bateaux, dont la moitié sont vides. Les douches sont
froides, quand elles fonctionnent. Un atelier de mécanique moto a ouvert ses
portes dans un des locals du CVD, et les extérieurs sont jonchés de motos et de
débris de bateaux. Les formalités administratives sont longues et hasardeuses.
Le bar est déficitaire, comme les caisses du CVD. La gestion a changé de main
et le CVD est devenu un Cercle en Voie de Disparition.
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Les pirogues des pêcheurs et autres bateaux à l'abandon sur la plage, devant le CVD |
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La plage est jonchée de déchets et d'algues en décomposition... |
Les filles découvrent un centre équestre
juste à côté du mouillage. Le rêve ! Nous enchainons les séances d’équitation
avec des moniteurs très sympas et pédagogues. Nous profitons du WE pour
assister à une compétition nationale de sauts d’obstacles. Les filles sont
emballées. Elles rêvent déjà au centre équestre qu’elles construiront quand
elles seront grandes…
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Inaya en plein galop |
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Thaïs pose pour le couverture de Cheval Magazine... |
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Témoé en promenade |
Nous explorons Dakar, ville
immense et déroutante. Un autre rythme. C’est aussi l’occasion de se plonger
dans une page d’histoire, avec la visite de l’ile de Goré, étape des voiliers
négriers pratiquant le commerce triangulaire, commerce lucratif mais incertain. Partant du Portugal et d’Angleterre,
mais aussi de Nantes, de Bordeaux et d'autres ports européens, les bateaux étaient financés, armés et naviguaient
chargés de matières premières, de tissus et d’armes à destination de l’ouest africain
et du golfe de Guinée. Les armateurs
achetaient des esclaves, plus d’une centaine par navires. Ces hommes, femmes et
enfants étaient préalablement capturés à l’intérieur les terres par des négriers
noirs et emprisonnés dans des fortins en bord de mer. L’ile de Goré était une
de ces destinations de chargement d’esclaves et d’approvisionnement en denrées
et en eau avant la traversée. Les bateaux faisaient voile vers le Brésil, les Caraïbes
et l’Amérique. A l’époque, en plein expansion, les plantations de canne à sucre,
mais aussi café, coton, cacao et tabac nécessitaient de la main d’œuvre à bon
prix. Enfin, troisième partie du triangle, le retour des navires vers l’Europe
avec les cales chargées de sucre, d’épices, de coton et de métaux précieux. Ce
commerce dont a profité l’Europe s’est déroulé de la fin du XVème siècle, soit
un peu avant François Ier jusqu’à la fin du XIXème siècle, soit sous Napoléon
III. L’abolition officielle par Scholcher est en 1848. Il a fait l’objet d’alliances
et de conflits entre européens pour se rendre maître de ce commerce
triangulaire et a particulièrement été intense après la fin du XVIIème siècle,
soit sous Louis XIV. Plus de 10 millions de personnes ont été déportées dans
les Amériques, et au moins autant sont mortes lors des captures et du
transport.
Ainsi, devant ces chiffres et ces
dates qui semblent abstraits et appartenir à l’histoire, nous nous trouvons là,
devant la porte du non-retour, dans une ancienne esclaverie, sur l’ile de
Goré. Nous allons mettre les voiles sur les Antilles, et continuer à découvrir
l’histoire de ce commerce triangulaire qui a marqué l’Europe, l’Afrique et le
continent américain, et ce de façon bien concrète et toujours actuelle.
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L'océan pour horizon depuis la porte du non retour |
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La maison de l'esclavage sur l'ile de Goré |
Nous quittons Dakar pour une
navigation de 24 heures en direction du sud du pays, la Casamance. La
navigation est rendue difficile par la présence de nombreuses pirogues en bois
au ras de l’eau, peu ou pas éclairées. De nombreux filets dérivant en surface
sur plusieurs centaines de mètres de long. Les conditions de travail de ces
pêcheurs sénégalais sont difficiles, et les bateaux usines étrangers qui
sillonnent au loin ces eaux poissonneuses rendent aléatoires les prises.
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Sculpture sur l'ile de Goré |
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Les rues de l'ile de Goré |
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Les écoles de Dakar en visite |
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Une rivière à Dakar, en saison sèche. A La saison des pluies, tous les déchets seront évacués en mer. |
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Un vent chargé de sable et de poussières recouvre tout le bateau. L'antenne blanche a une face devenue marron |
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Le soleil disparait dans un brouillard de poussières sur l'horizon |
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Séance de nettoyage du cockpit par Témoé dans les eaux propres de la Casamance |
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